Fermeture d'une classe unique en haute-Savoie
La Provence : punition expéditive : c’est la fermeture définitive.
Il régnait une ambiance particulière en ce dernier jour de classe, à mi-chemin entre l’excitation des grandes vacances et la tristesse de ne plus jamais remettre les chaussons pour rentrer en classe. Les élèves ont joué toute la journée tandis que le maître et l’AVS s’affairaient à terminer, avec ceux qui le voulaient, le journal de l’école, sans doute pour ne pas penser à l’échéance proche des vacances que quelques statistiques et décision académique venaient ternir. La classe unique de Christian Desplanques était unique en son genre. Le matin dès l’entrée en classe, le maître relatait les actualités mondiales passées, les résultats sportifs… mais aussi de la programmation de la semaine et des engagements des enfants dans la prochaine épreuve sportive USEP. Sur la partie centrale du tableau noir était affiché, tous les matins, le programme des matières à étudier, sur la partie droite le décompte des jours avant la fermeture de l’école ou le départ en classe de découverte mais aussi les exercices par niveau. Car il faut dire que la gestion de cinq niveaux, malgré le peu d’élèves relève de l’exploit. En effet, par exemple la dictée, l’enseignant faisait les dictées de la CM2 des CM1 et des CE2 en même temps. Le matin était plutôt consacré aux apprentissages tels que le français et les maths et l’après-midi s’enchaînait avec des sciences, de l’histoire-géo, de l’instruction civique, du sport. Incroyable encore, le fait que les enfants étaient acteurs de la vie de la classe, en attribuant une note sur 5 sur la prestation effectuée par leurs camarades, en poésie. C’était aussi l’école de la solidarité, de la recherche en groupe, de la convivialité… Chaque enfant avait un parrain ou une marraine pour l’aider dans certaines tâches définies par l’enseignant. Une magnifique expérience pour tous les élèves. Lors de cette dernière journée nous avons voulu avoir le ressenti des enfants. Un par un, ils sont venus se confier avec une certaine retenue. La veille, les dix derniers écoliers avaient donné un spectacle de chants et de danses devant leurs parents. Mais, on sentait déjà le chagrin poindre son nez. Tous trouvent regrettable la fermeture de leur école. Madeleine la dernière CM2 a passé 5 ans avec son enseignant, elle nous confie : « Je vais passer en 6ème et je ne sais pas comment c’était ailleurs, mais ici, c’était particulier. J’étais la mamie de la classe comme disait le maître, et j’étais contente d’être en autonomie et de pouvoir aider aussi les autres ». Baptiste élève de CE2 déclare : « C’était bien ici, on pouvait travailler dans le calme. » Léna est une camarade du niveau de Baptiste, elle proclame : « Je suis très triste que mon école ferme, il y a beaucoup moins d’élève, beaucoup moins de bruit, c’est familial. » Nathan est le 3ème CE2 annonce : « J’habitais juste à côté c’était pratique, maintenant je vais devoir aller à Sallanches ». Eulalie en CM1 intégrera l’école du Boccard l’année prochaine, elle est très affectée par la fermeture, car à l’école de la Provence, elle était à bonne école : « Je suis très triste. Au Boccard, ce ne sera pas pareil, la cour est plus grande, il y a plus de bagarres, plus d’élèves et ça crie beaucoup, ici c’était beaucoup plus calme même lorsqu’il y avait 21 élèves… J’aimais beaucoup l’humour de mon maître. »
Benjamin en CM1 témoigne : « J’aurais bien fait mon CM2 ici. Je suis triste pour Christian, 22 ans ici, c’est très dur pour lui… J’étais habitué à Christian, ça me gène un peu de changer d’enseignant… Un bon souvenir : lorsqu’il neigeait, on faisait du rugby car la neige amortissait nos chutes et j’ai adoré ces moments. L’année prochaine ça va me faire drôle de voir mon école avec la porte fermée et sans élève. »
Joseph en CE1 trouvera des camarades à St Martin : « Je n’aime pas me retrouver avec beaucoup d’élèves… Et puis ici je pouvais travailler à mon rythme alors que dans les autres écoles, il faut travailler plus vite ».
Emilie était en CP cette année : « Le maître était très gentil. Ma rentrée c’était très bien passée, et j’ai beaucoup joué. »
Quentin est également en CP, c’était sa première et dernière année: « C’était super bien, j’aimais bien jouer avec le maître au foot à la récré ».
Gwenaëlle en CE1 s’exprime avec tristesse : « Mon maître était très gentil, il expliquait bien les exercices. Et lorsqu’il y a moins d’élève et bien on apprend mieux. »
Le 15 mai dernier, la cour de l’école fourmillait avec ses anciens élèves venus fêter les 100 ans de la vieille dame. Tous ont un excellent souvenir de ce centenaire. C’était comme un dernier soupir. A la rentrée prochaine, l’école de la Provence fera son école buissonnière… dans les souvenirs.
Peggy MARTIN
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